Mes pièces sont pincées, montées au colombin ou à la plaque, je ne tourne pas. Je prépare mes terres en mélangeant plusieurs pâtes pour obtenir des couleurs et des effets sur les émaux, les engobes ou les terres brutes.
Je développe plusieurs séries, autour du contenant, utilitaire ou archétypale. L’histoire de la céramique à travers les âges et les cultures est une source d’inspiration constante. L’objet céramique comme trace de l’histoire de l’humanité : conservation, transmission, convivialité, rites, repas, cérémonie, vie quotidienne... Sans âge ou hors du temps, mes pièces s’inscrivent dans un récit collectif, réel ou imaginaire où se mêlent quotidien et rituel, païen et sacré, vie et mort.
Je cuis exclusivement au bois, principalement dans un four anagama (cuisson longue en flamme directe) au Centre Céramique Contemporaine que l’Association Céramique La Borne a reconstruit en 2024. Je fais une cuisson annuelle : l’enfournement prend entre 4 et 7 jours, la cuisson dure 6 jours et 5 nuits. Il faut ensuite attendre un dizaine de jour pour ouvrir le four. Dans mes cuissons et pour varier les effets, je mélange les essences de bois, en utilisant principalement du chêne mais aussi des bois de récupération (thuya, acacia, chutes de jardin...).
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La théorie de la Fiction-Panier
"Le premier équipement culturel a probablement été un récipient. (…) De nombreux théoriciens ont le sentiment que les premières inventions culturelles furent forcément d’une part un contenant, destiné à recueillir les denrées collectées, et puis une sorte d’écharpe ou de filet de portage.»
Ainsi parle Elizabeth Fisher dans Women’s Creation. Mais non, ce n’est pas possible. Où est donc passé cette chose merveilleuse, grosse, longue et dure – un os, je crois – avec laquelle l’Homme-Singe du film frappait quelqu’un pour la première fois, avant que, grognant d’extase à l’idée d’avoir commis le premier vrai meurtre, il ne l’envoie à travers le ciel où la chose tourbillonnait jusqu’à devenir un vaisseau spatial, enfonçant les portes du cosmos pour le féconder et concevoir ainsi, à la fin du film, un adorable fœtus, un garçon évidemment, dérivant à travers la Voie Lactée sans (curieusement) aucun utérus ou matrice d’aucune sorte ? Je n’en sais rien. Et je n’en ai rien à faire. Ce n’est pas cette histoire que je raconte. Nous l’avons entendu cette histoire, nous avons tous entendu parler des bâtons, des lances et des épées, de tous ces instruments avec lesquels on frappe, on perce et on cogne, de ces choses longues et dures. En revanche, nous n’avons rien entendu sur la chose dans laquelle on met d’autres choses, sur le contenant et les choses qu’il contient. En voilà une nouvelle histoire. En voilà une nouvelle.
Tout cela est bien ancien pourtant. Avant – et dès lors que l’on y pense, certainement bien avant – l’invention de l’arme, cet outil tardif, dispendieux et superflu ; bien avant le couteau si utile et la hache ; parallèlement aux indispensables faux, meule et bâton à fouir – car à quoi bon arracher beaucoup de pommes de terre si vous n’avez rien pour trimballer jusqu’à la maison celles que vous ne pouvez pas manger sur place ; en même temps ou avant l’outil qui canalise l’énergie vers l’extérieur, nous avons fabriqué l’outil qui ramène l’énergie à la maison. Cela fait sens pour moi. J’adhère ainsi à ce que Fisher a appelé la Théorie du Panier de l’évolution humaine.
Ursula K. Le Guin, extrait du recueil "Dancing on the edge of the world", 1989.
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“La rusticité joyeuse de faire des pots, tout simplement. Les quelques années dans l'immatérialité de la vidéo et du narratif n'ont pu étouffer son envie de mettre les mains dedans ; un désir enraciné depuis son enfance ! Les pots, les fragments de céramique réassemblés dans les musées l'émeuvent au-delà de toute raison. Le pot, l'essence du contenant, celui qui a nourri l'humanité, conservé les aliments, l'eau, l'huile, jusqu'à l'urne funéraire, est ventral pour Marie, son omphalos du monde. La technique ancestrale du colombin lui correspond totalement, loin de la rapidité productive du tour. La lenteur est sa vitesse pour façonner des bols, des pots, des gobelets. Ces derniers, comme des cailloux pèsent dans la paume. Les faire tourner entre les doigts pour contempler la richesse des aspérités adoucies par un tenmoku ou un shino d'où sourdent des lumières d'aube.
Ces petits pavés creux ainsi que ses différents contenants, riches de cendres fondues par les cuissons longues au bois nous sautent à la gueule de toute leur mémoire archaïque.”
Bernard David, 2023
Marie David Géhin
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+33 6 89 92 62 98
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Atelier Beyer-Lerat
2 Le Petit Chemin
La Borne
18250 Henrichemont
Visite de l’Atelier sur rendez-vous.
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